Les concertations nationales, tant attendues, sur la Santé et l’Action
Sociale se sont enfin tenues ! En attendant que la communauté nationale
puisse en faire une évaluation exhaustive et objective, quelques mesures-phares
ont été énoncées en guise de synthèse provisoire. Il ne fait aucun doute,
malgré la volonté politique louable, qui a sous-tendu l’organisation de ces
concertations nationales sur la Santé et l’Action sociale, que ces assises
auront finalement plus été l’affaire d’experts-consultants que celle des travailleurs de la Santé et de
l’Action Sociale et de la société civile au sens large.
Ainsi, pour ce qui est de l’offre de services, il est proposé une
finalisation de la politique de santé communautaire, une régionalisation des
postes budgétaires pour remédier à l’exode des agents de santé vers Dakar et
les grandes agglomérations urbaines de même qu’une inscription dans le budget
du MSAS, d’une dotation pour des bourses
en spécialité, pour pallier le déficit chronique en spécialistes,
surtout dans les zones rurales. Plus loin, il est question d’une meilleure
organisation de l’offre de services par le respect strict de la carte sanitaire
et un système de subvention des EPS sur la base de contrats de performances.
Pour trancher le nœud gordien constitué par les urgences, il est question de
mettre en place une nouvelle politique concernant ce volet, couplée avec la
création des pôles d’excellence pour les spécialités ciblées, en rapport avec
la télémédecine et le système de référence et de contre-référence.
Ces mesures positives en soi devront venir en complément d’une politique de
recrutement de ressources humaines, pour se rapprocher des normes édictées en
la matière. Il y a aussi nécessité d’approfondir le processus de décentralisation en cours,
notamment le transfert de la compétence santé aux collectivités locales. Il
faudra surtout veiller à élargir et à mieux codifier les compétences des
différents ordres de collectivités locales dans le recrutement et la gestion
des ressources humaines en y incluant les diverses catégories de personnel technique qualifié, comme c’est
déjà le cas au niveau de la Ville de Dakar. Cela suppose le renforcement des
capacités financières, administratives et techniques et l’amélioration du mode
de gouvernance des communautés rurales, mairies et Régions sur toute l’étendue
du territoire national. A ce niveau, il faut se féliciter des récents
développements, ayant trait à la Fonction Publique locale, qui faciliteront la
mobilité des agents municipaux sur tout le territoire national. C’est dans ce
même ordre d’idées que l’octroi de bourses de formation à des médecins désireux
de se spécialiser et prêts à servir au moins pendant cinq ans dans des
collectivités locales ciblées permettra de diversifier et de parfaire l’offre
de services sur toute l’étendue du territoire national et d’améliorer l’équité
dans l’accès aux soins de tous les citoyens sénégalais.
Le respect strict d’une carte sanitaire validée par les parties prenantes,
permettra d’organiser, sur le plan spatial, l’offre de soins disponible,
facilitant ainsi l’accessibilité des soins. C’est ainsi que dans un contexte de
décentralisation, la création de nouvelles structures sanitaires devra se faire
en concertation avec les conseils de collectivités locales regroupées au sein
de ″conférences sanitaires régionales″, sous la houlette des Présidents de
Région, avec l’accompagnement des autorités étatiques, en vue de parvenir à la
rationalisation et à la complémentarité de l’offre de soins au sein de
chaque Région. De même, pour faire face à
la prolifération d’équipements biomédicaux dépassant de loin la demande
solvable et qu’on cherche à rentabiliser par tous les moyens, il y a nécessité
d’une procédure définie d’autorisation visant les établissements privés pour
les équipements, notamment ceux dits "lourds", pour accompagner la
carte sanitaire, les établissements publics demeurant sous le principe de
l’approbation par l’autorité de tutelle des décisions de leur conseil
d’administration.
La signature de contrats de performance comme préalable à une politique de
subvention ciblée et pertinente ne doit
pas concerner que les seuls Établissements Publics de Santé mais devrait
prendre en compte toutes les structures sanitaires, sur la base de leurs
plans de travail annuels, triennaux ou quinquennaux. A ce niveau, il est urgent
de procéder à une réforme des procédures de gestion, pour atténuer l’inefficacité budgétaire faisant reposer
l’essentiel des dépenses de santé sur les ménages, même au niveau du secteur
public. C’est ainsi qu’il est établi, que le
financement du secteur de la santé, outre son caractère insuffisant,
pâtit aussi difficultés liées à un manque de transparence budgétaire et de déficits criards dans la gouvernance
sanitaire.
Depuis 1978, la conférence d’Alma-Ata a préconisé de rendre les soins de
santé essentiels dits primaires universellement accessibles à tous les
individus et à toutes les familles de la communauté avec leur pleine
participation. Ces soins ont été reconnus comme faisant partie intégrante, tant du système de santé
national, dont ils sont pierre angulaire, que du développement économique et
social d'ensemble de la communauté. C’est ainsi que depuis lors, on a assisté,
avec l’appui de divers partenaires à la création de cases de santé, qui
constituent le premier niveau de contact de la communauté avec le système de
santé, surtout au niveau des zones rurales. Il faut dire, que ces cases de
santé ayant principalement pour objet, la gestion des soins primaires de santé,
ont rencontré d’énormes problèmes de fonctionnement, dus au manque de
motivation des agents de santé communautaires bénévoles, en l’absence de
véritable dynamique communautaire. On a assisté, par ailleurs au développement
d’initiatives à base communautaire au niveau de plusieurs programmes du ministère
chargé de la santé. Il faudrait réfléchir sur la stratégie d’harmonisation et
de passage à l’échelle de toutes ces
initiatives communautaires éparses, tout au moins, pour celles qui ont connu un
succès avéré.
Pour élaborer et mettre en
œuvre un programme IEC/CCC selon une approche multisectorielle, en vue de
réduire les facteurs favorisant l’émergence de la maladie, il faudra, ainsi que
le recommande le PNDS, procéder au renforcement institutionnel du service en
charge de l’éducation, de l’information pour la santé, qui devra servir de
plaque tournante au plan stratégique national de promotion de la santé. A tous
les niveaux, il faudra doter les services de l’Education Pour la Santé au
niveau opérationnel de moyens supplémentaires,
″capaciter″ les acteurs pour qu’ils puissent mener une étude du milieu
devant aboutir à un diagnostic communautaire et à la promotion de la
collaboration multisectorielle, pour prendre en compte les déterminants sociaux
de la santé.
Les comités de santé actuels
pourront constituer des locomotives de la nouvelle politique de santé
communautaire, abstraction faite des effets induits sur la gouvernance du
Secteur. Mais ils ne devraient plus être directement rattachés ni aux
structures de santé, ni aux collectivités locales. Ils devront, par contre,
subir des réformes pour démocratiser leur fonctionnement et connaître un
changement de statut devant aboutir à leur implication accrue dans la santé
préventive et promotionnelle et à leur désengagement progressif de la gestion
des fonds issus de la participation financière des populations. Les comités de
gestion, organes de conseil et d’orientation, chargés de la mise en œuvre du
transfert de la compétence Santé sont appelés à devenir des conseils
d’administration présidés par les Présidents de Collectivités locales.
L’inspection interne du MSAS
devra avoir l’autorité et les moyens nécessaires pour réglementer la pratique
de la médecine privée au sein des structures publiques et celle de la
profession pharmaceutique (Initiative de Bamako, médicaments de la rue). Elle
devra également veiller au renforcement de la discipline au travail et à la
lutte contre les pratiques délictuelles de tous ordres et à tous les niveaux
(détournement d’objectifs et de ressources, rançonnement des usagers,
non-respect de la charte du patient, favoritisme envers les puissants et les
recommandés), qui constituent autant
d’obstacles à une équité véritable.
Le renforcement du système
d’information, en prenant en compte les autres secteurs (privés, ONG,
municipalités, autres ministères, sous-systèmes d'information des programmes
sectoriels) et la géo-référence permettront d’améliorer la gouvernance du
Secteur de la Santé et de l’Action sociale, en fournissant des informations sur l’évolution
des indicateurs des divers programmes mis en œuvre, sur l’accès aux soins, la
qualité des services et le degré d’atteinte des objectifs sociaux, dont
principalement l’équité. Les décideurs seront aussi mieux édifiés sur le
financement de la santé, les besoins en ressources humaines et en
infrastructures….
Concernant l’accroissement
du budget du ministère de la Santé et de l’Action sociale, qui devra être porté
à 15%, d’ici 2015, il faudra profiter des opportunités offertes par la couverture
maladie universelle et diverses autres formules d’assurance-santé, qui devront
permettre de mettre en commun les ressources pour un partage des risques. A
contrario, on ne peut pas ne pas être préoccupé des velléités de certains
secteurs de l’Exécutif présidentiel de s’accaparer d’une partie des ressources
financières destinées à l’action sociale dans une optique de ce qui pourrait
faire penser à des tentatives de récupération politicienne et électoraliste.
C’est le lieu de plaider, de chœur avec les animateurs des présentes
concertations nationales, pour l’élaboration d’une politique nationale d’action
sociale avec les outils de mise en œuvre, en tenant compte des conclusions des
Assises de l’Action sociale tenues en août 2008.
L’élaboration et la
publication annuelle d’un rapport sur l’application des textes, des normes et
protocoles régissant le fonctionnement du secteur de la Santé et de l’Action
sociale contribueront à instaurer une transparence et un contrôle citoyen
au sein du Secteur.
Sur la base des critères
définis, les présentes concertations nationales ont appelé à œuvrer à un
meilleur ciblage des personnes
indigentes et des groupes vulnérables dans les interventions du Ministère de la
Santé et de l’Action sociale et à une plus grande implication des
communautés de base et des collectivités locales. Plutôt que de prôner la mise en place d’un paquet de services gratuits dans le cadre de la
CMU, même s’il est prévu une évaluation annuelle des coûts des gratuités
destinés aux indigents et aux groupes vulnérables, il serait plus pertinent d’impliquer les mutuelles de santé dans la
prise en charge des personnes
indigentes et des groupes vulnérables, en leur faisant bénéficier ainsi d’un
accès aux soins au même titre que tous les autres adhérents.
C’est pourquoi, il importe
d’accélérer la mise en œuvre de la stratégie d’extension de la couverture du
risque maladie, notamment en développant la mutualité avec une coordination des
différents systèmes de prise en charge du risque maladie (IPM, imputations
budgétaires, mutuelles, assurances privées).
Il faudra également faire bénéficier à ces mutuelles de l’appui de
divers fonds dits d’équité ou de solidarité. En effet, la mise en œuvre de la Stratégie Nationale
d’Extension de la Couverture du Risque maladie des Sénégalais nécessite la
synergie de différents départements ministériels représentés au sein d’un
Comité national. C’est ce qui rend particulièrement anachronique l’ambition des
autorités en charge de la protection sociale et à la solidarité
nationale de vouloir gérer les fonds destinés à la CMU en sus des bourses de
solidarité familiale.
Parmi les problèmes ignorés par ce forum national, on peut citer l’impact
des réformes territoriales et des tripatouillages récurrents de la carte
sanitaire, sur l’organisation de la pyramide sanitaire et de l’équilibre entre
soins préventifs, promotionnels d’une part et curatifs de l’autre. Nous voulons
ici parler des Régions médicales et des districts ″virtuels″ et des
établissements publics de santé de niveau 1. Les nouvelles autorités se doivent d’évaluer
objectivement ces mesures initiées par le précédent régime libéral et relevant,
pour la plupart de pressions de divers groupes et lobbies ou de calculs
purement politiciens.
Il est vrai que le temps aura cruellement fait défaut aux nombreux
participants venus répondre avec enthousiasme, à l’appel de Madame le Ministre
de la Santé pour traiter de toutes les questions et bâtir le consensus tant
convoité.
Dr Mohamed Lamine LY
Médina – Rasmission
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire