mardi 23 avril 2013

EXTRAITS DE L'OUVRAGE: "CHRONIQUE DES COLÈRES CITOYENNES".



 
 
                PRÉSENTATION DE L’AUTEUR
Dr Mohamed Lamine LY a fait ses études primaires à Matam, Diourbel et Ziguinchor.
Il a fréquenté le lycée Lamine GUEYE de 1970 à 1977. Il a ensuite poursuivi des études médicales à la Faculté de Médecine de Dakar, qu’il terminera en janvier 1986. Il milite au PIT-Sénégal depuis une trentaine d'années. 
           PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE

 

Ce recueil comprend trente-quatre contributions, toutes rédigées par le Dr Mohamed Lamine LY dit Issa, qui n’en a signé que sept de son propre nom et dix-sept autres sous le surnom de Nioxor Tine. Pour les dix autres, il a utilisé divers pseudonymes : Presque tous ces écrits sont parus dans des quotidiens dakarois ou sur des sites web sénégalais (leral.net, senenews.com, nettali.net, pressafrik.com…etc.).
 
En 2000, le peuple sénégalais venait de sortir de terribles années d’ajustement structurel, qui avaient exacerbé la demande sociale, mais qui étaient néanmoins marquées par certaines concessions du président Abdou Diouf, sur les questions ayant trait à démocratie représentative et à l’implication de forces politiques diverses à la gestion des affaires publiques. En témoigne le code électoral de 1992 adopté, de manière consensuelle, par l’ensemble de la classe politique.
C’est d’ailleurs cela qui facilitera la survenue pacifique de l’Alternance historique de mars 2000, grâce à la pression populaire appuyée par les partis d’opposition. Après avoir fait sauter le verrou du Parti-Etat socialiste cinquantenaire, qui avait pris le Sénégal et son président en otage, WADE et ses alliés disposaient, désormais d’énormes potentialités pour l’instauration d’une bonne gouvernance et d’une véritable émergence économique. Hélas, très vite, tous les hommes de raison se rendirent compte, que les électeurs sénégalais loin d’avoir choisi l’homme qu’il fallait pour conduire les ruptures attendues, devaient se contenter d’un président par défaut, qui fera main basse sur toutes les institutions de la République.
Nous espérons, qu’au fil des contributions d’un simple militant politique – et non d’un politologue – qu’est l’auteur, qui milite depuis plus de trente ans au PIT-Sénégal, les lecteurs se feront une petite idée de la gouvernance wadiste, qui a failli faire basculer notre beau pays dans l’horreur.
L’ouvrage est divisé en quatre grandes périodes :
-          Première période de mars 2000 à février 2007: du Parti-Etat socialiste au Parti-Etat libéral, le temps des reniements
-          Deuxième période: de la ″victoire électorale″ des libéraux en mars 2007 a leur défaite politique en mars 2009, le temps des assises
-          Troisième période du 19 mars 2011 au 25 mars 2012 : le temps des révoltes citoyennes
-          Quatrième période : à partir du 25 mars 2012, le temps des ruptures attendues

 Première période de mars 2000 à février 2007: du Parti-Etat socialiste au Parti-Etat libéral, le temps des reniements

Après des décennies de lutte pour un scrutin transparent, l’élection présidentielle de 2000 a finalement satisfait à des normes minimales de régularité, sous la contrainte du mouvement démocratique et populaire, malgré un fichier électoral tronqué, permettant ainsi l’Alternance au sommet de l’Etat. Moins deux mois après le 19 mars 2000, certains observateurs avertis  de la scène politique  s’étaient rendu compte du fait, que le Président WADE avait déjà tourné le dos aux engagements auxquels il  avait souscrits dans le cadre du programme de la CA2000. Visiblement, le leader du PDS sous-estimait l’importance des questions institutionnelles, aidé en cela, par la dislocation du pôle de gauche. C’est ainsi qu’on parlera de risques de hold-up sur l’alternance, braquage qui va finalement réussir au-delà des espérances de ses initiateurs pour le plus grand malheur du peuple sénégalais. Les patriotes véritables se sont désolés du fait, que la classe politique, à quelques rares exceptions, semblait se satisfaire d’un simple changement d’hommes à la tête de l’Etat, au lieu d’œuvrer pour une rupture radicale avec l’ancien mode de gouvernance  du parti « socialiste ». 
Vint alors le référendum sur la nouvelle constitution, qui allait susciter beaucoup de déception au sein des forces de gauche. En effet, hormis l’octroi de droits d'accès à la propriété pour des femmes, (sans leur garantir une réelle indépendance économique), la Constitution de WADE a surtout raffermi le pouvoir présidentiel, comme le montrent les quelques mesures suivantes :
  •  Maintien des prérogatives accordées au gouvernement et à son chef, qui sont chargés de matérialiser les désidératas du Président de la république, qui, seul, détermine la politique de la Nation (article 42) ;
  • Fragilisation du Premier Ministre qui peut aussi bien être victime d’un vote de défiance ou d’une motion de censure de la part de l’Assemblée (article 86), que d’un limogeage de la part du Président de la République (article 49) ;
  • Primauté de la fonction présidentielle sur celle dévolue à l’Assemblée Nationale pouvant être dissoute (article 87), par un décret présidentiel après les deux premières années d’existence, contrairement aux promesses d’instauration d’un régime parlementaire ;
  •  Dépendance du pouvoir judiciaire par rapport à celui exécutif (conseil supérieur de la magistrature sous la coupe réglée du Président de la république, maintien du ministère de la Justice).
Certains thuriféraires wadistes, surfant sur l’euphorie de début de règne commencèrent à divaguer, en parlant d’alliance stratégique du Front pour l’Alternance (FAL), oubliant que les reniements et la conception très personnalisée du pouvoir de leur mentor compromettaient irrémédiablement les bénéfices qu’un processus démocratique véritable aurait pu tirer de la diversité des classes et couches sociales impliquées dans son avènement.
 Le régime du président Wade, va profiter d’un état de grâce  exceptionnellement long, après la chute du pouvoir du parti socialiste honni, qui n’avait réussi à trouver de réponses ni à la problématique de la demande sociale, ni aux enjeux de l’approfondissement de la démocratie. Le refus du président WADE d’initier les ruptures attendues va compliquer la tâche aux patriotes et démocrates sincères, qui, comme pris entre deux feux, entre le marteau libéral et l’enclume socialiste,  tenteront d’attirer l’attention des masses populaires sur le dévoiement en cours du processus de rénovation démocratique initié, le 19 mars 2000.
          Lors du référendum du 7 janvier 2001, on a pu observer 94% d’approbation de la constitution sur un taux de participation de 65,74 %. Seuls trois partis (PIT, Jëf Jël, MDS_Niax_Djarignou) avaient prôné le boycott du scrutin référendaire, tous les autres, y compris le parti socialiste avaient appelé à voter la nouvelle constitution proposée par le président WADE. Ce contexte d’unanimisme béat n’a fait que consolider les velléités dictatoriales du nouveau Président, qui s’attelait déjà à poser méthodiquement les jalons d’un « despotisme éclairé » ou « césarisme démocratique », comme il l’a avoué en 2003, dans une livraison du Figaro. Après avoir abusivement renforcé la composante majoritaire du mode de scrutin, au détriment de celle proportionnelle, promu la transhumance, en débauchant des centaines de responsables du parti socialiste, Wade va rompre avec tous ceux qui osaient contester son leadership, notamment son Premier Ministre Niasse, le 03 mars 2001, un peu plus de trois mois après le limogeage d’Amath Dansokho, le 23 novembre 2000. Il créait toutes les conditions de sa mainmise sur l’Assemblée Nationale, obtenant ainsi une majorité écrasante mais précaire.
Le dimanche 28 août 2005, alors que Dakar et sa banlieue étaient sous les eaux pluviales, subissant de très graves inondations,  le Président Abdoulaye Wade tiendra un discours à la Nation, au cours duquel, il annonça son fameux plan Jaxaay. Craignant d’être sanctionné lors des élections législatives initialement prévues pour le mois d’avril 2006, Me WADE, s’adonnant à un exercice insensé de météorologie politique, prit le parti de reporter les législatives, qu’il décida de coupler avec les prochaines présidentielles de 2007.  Il faut dire, qu’à l’époque, le parti démocratique sénégalais connaissait de sérieuses difficultés liées, entre autres à l’affaire des Chantiers de Thiès et à plusieurs départs de ses responsables les plus en vue. Il invoqua alors comme prétexte, la réallocation du budget initialement prévu pour l’organisation du scrutin au soutien des populations sinistrées et à la restructuration des zones inondables.
        
  Le naufrage du Joola va cristalliser la mal-gouvernance et l’amateurisme du nouveau pouvoir libéral, qui préféra   consacrer 18 milliards à la réparation de l’avion présidentiel au lieu d’acquérir un deuxième moteur à 250 millions de francs, au profit du seul bateau assurant la liaison Dakar-Ziguinchor. Le Premier ministre d’alors, Mme Mame Madior Boye fera office de fusible, malgré son excès de zèle et son dévouement aveugle pour quelqu’un qui ne le méritait visiblement pas.
          Le 6 novembre 2002, Idrissa SECK sera promu au rang de Premier Ministre, marquant ainsi ce qui devait être la restitution à un Parti Démocratique Sénégalais, qui commençait à douter et à piaffer d’impatience, de sa suprématie sur toutes les autres formations politiques. Pour rappel, depuis son accession au pouvoir, le parti du Président n’était jamais allé seul aux élections et la Coalition SOPI, à laquelle, il était partie prenante, était même devenue minoritaire dès avril 2001, n’ayant engrangé que 49,6% des suffrages, lors des élections législatives d’avril 2001. Idrissa Seck, ayant succédé à Mame Madior Boye (mars 2001 – 4 novembre 2002), dirigera deux gouvernements, dans lesquels siégeront la LD/MPT et AJ/PADS et sera finalement limogé de la Primature, le 21 avril 2004, sur la base d’un fatras d’accusations inextricables de détournements de deniers publics puis d’atteinte à la Sûreté de l’Etat. Face à l’instabilité gouvernementale chronique, au malaise social et aux tiraillements incessants entre membres du PDS, le moment semblait venu d’évoluer vers de nouveaux concepts, comme celui de ″transition vers la post-alternance″.
En effet, les journalistes et les observateurs politiques les plus doués étaient convaincus de la défaite du président WADE aux élections présidentielles de 2007.

 DEUXIEME PERIODE: DE LA ″VICTOIRE ELECTORALE″ DES LIBERAUX EN MARS 2007 A LEUR DEFAITE POLITIQUE EN MARS 2009, LE TEMPS DES ASSISES

          Le débat sur la régularité des élections présidentielles du 25 février 2007 n’a pas lieu d’être, si on considère l’achat massif de conscience, à une échelle quasi-industrielle, auquel se sont adonné le parti démocratique sénégalais et ses alliés, et ce jusqu’au jour du scrutin.  Chefs religieux, militants des partis d’opposition, mandataires de la CEDA, fonctionnaires de l’administration territoriale ont, sinon bénéficié des largesses des dignitaires libéraux, tout au moins subi des pressions inouïes, dans le but de permettre la réélection du président WADE au premier tour.
Ce qui a été déterminant dans la reconduction du président sortant, c’est davantage la division des partis de l’Opposition avec quatorze candidats déclarés et la passivité dont ils auront fait montre devant les manœuvres des libéraux (rétention de cartes électorales, situation plus que confuse dans les centres de vote de Touba, dans le Fatick, aux Parcelles Assainies, prolongation exagérée des opérations de vote occasionnant d’innombrables fraudes électorales ou vols de nuits, …)
          L’organisation du sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), qui s'est tenue à Dakar du 7 au 14 mars 2008 à Dakar, a joué un grand rôle dans la réélection du président WADE en février 2007. De par les innombrables chantiers ouverts entravant considérablement la mobilité urbaine et la fluidité de flux financiers, dont il s’avèrera, plus tard, qu’il s’agissait davantage de pillage du Trésor public national et de recyclage d’argent sale que de financement de la part des pays arabes, on a relativement réussi à faire miroiter des ″mirages islamiques″ à des citoyens pleins de bonne foi et désireux de laisser le ″Vieux terminer ses chantiers″.
           Par ailleurs, la tentative de faire de ce sommet une rampe de lancement pour le ″prince héritier″, Karim Wade, va lamentablement échouer. Les observateurs n’ont pas manqué de faire le parallèle entre les chantiers de l’ANOCI et ceux de Thiès. C’est précisément le désir du Président de l’Assemblée Nationale de l’époque (actuel Chef de l’Etat), de tirer au clair cette ténébreuse affaire, qui est à l’origine de sa disgrâce et de sa traversée du désert jusqu’aux élections présidentielles de 2012, qui ont vu  son accession à la magistrature suprême.
La meilleure preuve du décalage entre une victoire électorale supposée être éclatante et un malaise social persistant a été donnée par les marchands ambulants de Dakar, considérés depuis toujours par l’élite politique, à tort, comme des “encombrements humains”. Le 22 novembre 2007, ils vont, en effet, faire reculer un pouvoir encore auréolé de sa victoire au premier tour de l’élection présidentielle de 2007 et disposant de 131 députés sur les 150 que comptait l’Assemblée Nationale. On se trouvait donc en face d’une dualité : un sommet islamique et un abîme social sans fin.
Il devenait alors, de plus en plus urgent, pour les forces d’opposition politique de faire une introspection et d’inventer une nouvelle manière de s’opposer à une autocratie en gestation. C’est ainsi que le Front Siggil Senegaal, en accord avec la société civile et une partie de l’opposition parlementaire, va lancer les Assises Nationales, qui ont été perçues par les militants de gauche et les démocrates sincères de notre pays comme une bouffée d’oxygène. Face aux dérives wadistes, qui ne constituaient qu’une accentuation des recettes éculées du défunt régime socialiste, les forces démocratiques et/ou de gauche avaient du mal à justifier leur compagnonnage avec des partenaires, qui assumaient toujours quarante années de soumission servile aux puissances occidentales, de mal-gouvernance et de tripatouillages aussi bien de la loi électorale que de la Loi Fondamentale. Les socialistes refusaient obstinément de procéder à une autocritique sincère par rapport à leurs pratiques politiques tant décriées, sans parler des conséquences à tirer sur le plan du personnel politique. 

L’article – Assises Nationales : Chants de liberté - publié une semaine après la cérémonie d’ouverture des Assises Nationales, le 1er Juin 2008 etait un hymne à la modestie, à l’humilité, à l’autocritique et à la priorisation des intérêts de la Patrie sur ceux partisans.
Les partis d’opposition et la société civile vont reprendre la main face à un pouvoir de plus en plus isolé. Il était même possible de jouer aux apprentis devins, en prédisant une défaite politique de la ″dynastie des Wade″ lors des locales de mars 2009.
 Cette contribution fut rédigée, près d’une semaine après la disparition du Grand Maodo, le 25 janvier 2009. Ce grand patriote, qui avait été le meilleur symbole d’attachement aux intérêts de la Patrie, aura été la victime innocente et même un peu naïve d’un complot de l’impérialisme international et de ses laquais locaux. A sa sortie de prison, en mars 1974, il reconnaîtra certaines de ses erreurs d’appréciation et s’alliera avec le PAI, en fondant le journal AND SOPPI, qui aura apporté une contribution significative au départ de Senghor et à l’ouverture démocratique survenue en 1981, avec la reconnaissance de tous les partis politiques par le nouveau président Abdou Diouf.
 
La persécution dirigée contre Macky SALL, quatre ans et demi après la cabale organisée contre Idrissa SECK était sans doute liée au désir de plus en plus manifeste du Président WADE de procéder à une dévolution monarchique du pouvoir au profit d’un fils biologique, accusé d’être moins méritant et de ne pas avoir le profil de l’emploi. Si on y ajoute le malaise social persistant, consécutif au pillage des ressources publiques, les innombrables scandales financiers et fonciers, il était évident que le pouvoir libéral allait au-devant d’une défaite politique majeure, d’autant que les partis d’opposition, en initiant les Assises Nationales, faisaient une offre politique plus consistante et plus alléchante.
 
La victoire amère  des libéraux aux élections locales de mars 2009  enjoignait aux patriotes de se mettre à la hauteur des exigences populaires et marquait le début de la fin pour le régime libéral, de plus en plus contesté, non seulement à cause des velléités de dévolution monarchique du pouvoir, dont on l’accusait, mais aussi de la non-satisfaction de la demande sociale, qui avait été fatale au régime socialiste. La Coalition SOPI fera moins de 40% des voix et perdra dans toutes les grandes villes et agglomérations significatives. Néanmoins, l’Opposition, malgré son implication dans la dynamique citoyenne des Assises Nationales était loin d’être irréprochable. Elle faisait montre de péchés habituels des politiciens, hérités essentiellement du parti socialiste, que sont la volonté d’accaparement et d’hégémonie, sans oublier le clientélisme, toutes choses qui, en les faisant ressembler aux politiciens libéraux, contribuaient au discrédit de la classe politique dans son ensemble.
 
Devenu politiquement minoritaire, le président Wade, au lieu de prendre des mesures politiques idoines, comme cela se fait dans toutes les démocraties ″majeures″ – en participant au processus des Assises Nationales ou en faisant des concessions politiques significatives – choisira de s’enfoncer dans les méandres de la corruption et de la mal-gouvernance (affaire Alex Segura) et deviendra le parrain de personnages controversés et haut en couleurs comme Dadis Camara. Nous sommes dans la période où se déroulent le massacre du 28 septembre 2009 par la junte militaire guinéenne, l’attribution du Prix Nobel de la Paix à Barack Obama, la remise d’une mallette bourrée de billets de banque à Alex Segura, les délestages intempestifs de la SENELEC, les inondations en banlieue. Devant l’ampleur de la souffrance populaire, il est permis de parler de génocide moral.

C’est cela qui conduit le khalife général des Tidianes à appeler la classe politique à l’apaisement et à la concertation, à l’occasion du Gamou de l’année 2010.  Néanmoins, des difficultés apparaissent, évoquant un dialogue de sourds politique,  liées au fait que WADE persiste dans son entêtement à  vouloir instaurer une dévolution monarchique au profit de son fils (promu Ministre d’Etat, titulaire de plusieurs portefeuilles ministériels) et à son refus de prendre au sérieux le processus des Assises Nationales, qui est sur le point de s’achever. Il y a également que les ″Assisards″ eux-mêmes peinent à mettre en pratique les généreuses idées qu’ils professent au niveau des collectivités locales qu’ils gèrent désormais.

 TROISIEME PERIODE DU 19 MARS 2011 AU 25 MARS 2012 : LE TEMPS DES REVOLTES CITOYENNES

          Le contexte, en ce mois de mars 2011 était marqué par l’apparition du mouvement Y’EN A MARRE, né deux mois auparavant, la chute du régime de Ben Ali en Tunisie et les affrontements épiques à la place TAHRIR en Egypte, sans oublier la crise ivoirienne. Au plan intérieur, on notait un bouillonnement lié à l’approche des élections présidentielles de 2012. Sidy Lamine Niasse, dirigeant du groupe de presse Walfadjri, la coalition Bennoo Siggil Senegaal regroupant plusieurs partis d’opposition, les jeunes de Y’EN A MARRE et le PDS envisageaient d’organiser des rassemblements, le 19 mars 2011, pour fêter l’an XI de l’Alternance.
On constatait également une implication de plus en plus marquée de personnalités de la société civile dans la bataille pour le respect de la Constitution et contre la candidature illégale et illégitime de WADE. L’inconscient collectif des peuples africains en général et sénégalais en particulier, était fortement marqué par le printemps arabe. C’est ainsi, qu’outre le désir de reproduire la symbolique de Tahrir à la Place de l’Indépendance de Dakar, il semble flotter comme un parfum de jasmin sur Galsen.
          Le samedi 19 mars 2011, peu après minuit, Mr Cheikh Tidiane SY, ci-devant, tout puissant Ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux annonçait la découverte ″d’un complot visant à la réalisation d’un coup d’Etat tué dans l’œuf″. Et de citer les noms de jeunes militants de partis d’opposition censés avoir trempé dans cette conspiration imaginaire, parmi lesquels Cheikh NDAO, responsable des fans club de Walf fadjrï, Moustapha Ndiarré FAYE, responsable dans Mouvement National des Etudiants Socialistes (MNES), Hervé Bangar du MEEPIT, etc. La déclaration nocturne du ministre de la Justice est apparue, à l’époque, aux yeux de l’opinion comme irresponsable, d’autant qu’elle n’aura aucune suite juridique tangible, donnera lieu à de vigoureuses protestations des partis d’opposition et organisations de la société civile. Elle est caractéristique, au plus haut point, du niveau d’arbitraire et d’inconscience qu’avaient atteint les responsables libéraux.  Les différentes manifestations annoncées se dérouleront, comme prévu et sans violences ni heurts, démontrant ainsi la maturité des citoyens sénégalais.
          En juin 2011, le Président WADE, perdant son sang-froid, à mesure que s’approchait l’échéance fatidique des présidentielles de 2012, faisait adopter en Conseil des Ministres un projet de loi constitutionnelle instituant « le ticket de l’élection simultanée au suffrage universel du président et du vice-président de la République » et permettant au ticket venant en tête de l’élection et réunissant au moins 25% des suffrages exprimés de remporter la compétition électorale, ce qui équivalait, de fait, à la suppression du deuxième tour de l’élection présidentielle. Cette tentative de ″coup d’Etat constitutionnel″ était une reconnaissance objective, par le président WADE de ce que les élections locales avaient déjà montré, à savoir que le PDS était devenu minoritaire. Cette forfaiture constituait un jalon de plus vers la dévolution monarchique du pouvoir à un héritier, que WADE envisageait de se choisir. Mais le peuple souverain opposera une fin de recevoir catégorique à cette grossière tentative d’escroquerie politique, en cette mémorable journée du 23 juin 2012, en sommant les libéraux de choisir entre des élections (pacifiques) ou une explosion sociale.

Après la journée historique du 23 juin 2011, le camp libéral, au lieu de tenter de dénouer cette crise politique majeure et inédite depuis mars 2000, persistait dans le déni de la réalité et un entêtement suicidaire. Evoquant tour à tour l’effet de surprise ou la manipulation d’une jeunesse naïve par des politiciens cyniques, ils promettaient de se venger de l’affront que leur aurait infligé le peuple souverain !
En vérité, cette atmosphère insurrectionnelle, venant après la défaite politique subie par les libéraux, lors des élections locales de mars 2009, ne faisait que traduire le ras-le-bol du peuple sénégalais devant tous les abus subis pendant les onze dernières années.
 
Le président WADE, traumatisé par la révolte citoyenne du 23 juin 2011, s’était littéralement emmuré dans son palais pendant trois semaines. Ceux qui espéraient, qu’au sortir de sa retraite, il allait revenir à la raison, poser des actes majeurs, comme le limogeage de ses ministres controversés, sa propre démission ou la renonciation à un troisième mandat, vont vite déchanter. Ce 14 juillet allait désormais symboliser le ″jour du Grand Reniement″ pour Abdoulaye Wade, qui en postulant pour un troisième mandat reniait sa déclaration publique faite au lendemain des présidentielles de 2007, devant toutes les télévisions du monde et dans laquelle il avait confirmé, qu’il entamait son deuxième et dernier mandat. Il ira jusqu’à défier l’Opposition, en proposant l’organisation d’élections anticipées. En réponse au discours provocateur d’un tyran en fin de règne, certains secteurs de l’opinion lui posent la question suivante : élections anticipées ou retraite anticipée.
Goodbye Ablaye comme d’autres auraient dit Goodbye Lénine ! Il est venu le temps des adieux, monsieur le Président !
La journée du 23 juillet 2011 était attendue autant par le pouvoir libéral que par l’Opposition. Elle intervenait, en effet, juste un mois après la fameuse journée du 23 juin 2011, au cours de laquelle, le peuple mobilisé devant l’Assemblée Nationale avait contraint le régime wadiste à battre en retraite. Il s’agissait, donc, de savoir, surtout après la mise sur pied du Mouvement du 23 Juin (M23) matérialisant la jonction des partis politiques de l’Opposition avec le mouvement citoyen et les organisations de la société civile, s’il s’agissait d’un simple accident de parcours comme semblait le croire Me WADE ou d’une lame de fond dans le processus de prise de conscience citoyenne.
 

C’est durant le meeting libéral à la VDN, que le Président WADE, après avoir tergiversé sur l’opportunité de limoger le Ministre de l’Intérieur, va finalement décider d’ériger la Direction des Elections en ministère autonome.

 Au fur et à mesure que l’inéluctabilité de la défaite du camp libéral apparaissait même aux yeux des observateurs politiques les moins avertis, les partis d’opposition vont dévoiler au grand jour leurs appétits de pouvoir. Devant la scission du regroupement originel en 1puis 2 puis 3 Bennoo (s), on en était à se demander : pour qui sonne le glas ? Malgré l’accord historique  du 28 mai 2011 sur la Candidature de l’Unité et du Rassemblement, scellé par une trentaine d’organisations politiques, les leaders de Bennoo Siggil Senegaal, vont avoir beaucoup de mal à s’entendre sur les critères de choix du candidat unitaire de l’Opposition. Paradoxalement, ce furent des personnalités ou organisations se réclamant de la gauche, qui seront les premières à fragiliser la dynamique unitaire, ce qui ne sera pas sans conséquences sur l’issue finale des élections présidentielles de 2012, remportées précisément par l’un des candidats les plus sceptiques vis-à-vis de la candidature unitaire.
          Le découragement gagnait de plus en plus les militants de l’Opposition, quant à la réalisation de la Candidature de l’Unité et du Rassemblement au sein de Bennoo originel. Ils clamaient haut et fort que Bennoo ne saurait servir de tremplin à des politiciens réformistes, qui semblaient perdre de vue les objectifs politico-institutionnels (notamment l’application des conclusions des Assises Nationales) visés par la large Coalition regroupant les partis de gauche, les organisations de la société civile et le mouvement citoyen et dont la compétition électorale ne recouvrait que certains aspects. Néanmoins, il apparaissait de plus en plus clairement, qu’au-delà des contingences bassement électoralistes, il allait être très difficile pour tout pouvoir issu des prochaines élections  de faire fi des acquis engrangés par le peuple sénégalais, en matière de prise de conscience citoyenne.
 
Au fur et à mesure qu’approchaient les élections présidentielles de février 2012, les évènements s’accéléraient. Recevant une délégation d’hommes politiques, le mercredi 21 décembre 2011, le cardinal Théodore Adrien SARR mettait en garde la classe politique sénégalaise. Pour lui, il n’était pas impossible, que ce qui était arrivé en Côte d’Ivoire puisse se produire au Sénégal. Ragaillardi par l’incapacité de Bennoo Siggil Senegaal à trouver un candidat unitaire, le président Wade et les forces occultes, qui le soutenaient, vont dérouler leur feuille de route. C’est ainsi que l’investiture du non-candidat Wade sera retenue pour le Vendredi 23 décembre 2011. La veille, des groupes de nervis répartis dans plusieurs véhicules supposés appartenir au PDS, se rendirent chez des leaders de l’Opposition, en l’occurrence Abdoulaye Bathily et Moustapha Niasse, qu’ils mirent en garde et menacèrent publiquement. Ensuite, ils iront agresser la mairie de Mermoz-Sacré-Cœur, où ils rencontreront une farouche résistance, qui se terminera par un lourd bilan : la mort de Ndiaga Diouf et plusieurs blessés graves. Devant tant de cynisme de la part du pouvoir libéral, qui était l’initiateur et le principal instigateur de la violence politique, il était permis de se poser la question suivante :″Après Ben Ali, Moubarack et Kadhafi, à qui le tour ?″. Interrogation, qui ne semblait pas être du goût de certains proches alliés du pouvoir, membres de la CAP21.
          Le ton va monter ! Le Conseil Constitutionnel devait bientôt délibérer sur la validité de la candidature du président sortant, Abdoulaye WADE. Le M23 multipliait les manifestations pacifiques à Dakar et dans les villes de l’intérieur. Nul doute que des tendances, sinon fascisantes, du moins extrêmement autoritaires commençaient à apparaître au sein de la galaxie libérale. Allons-nous vers…le troisième Reich sénégalais, s’interrogeaient certains observateurs ?
La question du boycott des présidentielles, en cas de participation du non-candidat WADE, commençait à effleurer les esprits. Les révolutionnaires romantiques se mettaient à rêver du Grand Soir, de la transformation du processus électoral en dynamique insurrectionnelle. Mais il semblait bien, encore une fois que les citoyens sénégalais, si peu écoutés par leur élite politique, avaient d’autres solutions à faire prévaloir, qui soient plus conformes à notre histoire politique et à nos traditions démocratiques. Par dépit de n’avoir pu empêcher la validation, le 27 janvier 2012, de la candidature anticonstitutionnelle, illégale et illégitime du président Abdoulaye Wade, la jeunesse sénégalaise va le déclarer ″mort″ dans un refrain, qui tout en étant empreint d’humour, n’en traduisait pas moins une réalité tangible. Le héros du 19 mars 2000 pouvait bien être considéré comme étant symboliquement mort, rattrapé par l’absence d’éthique et d’idéal. Aussi mort que Lumumba, Sankara, Che Guevara continuent de vivre parmi nous et de nous inspirer chaque jour davantage ! C’est bien pour cela que pour les électeurs sénégalais, il y avait 13 candidats et …un fantôme !
Jamais campagne électorale n’aura été aussi mouvementée ! En lieu et place des débats programmatiques, le peuple sénégalais a eu droit à des émeutes sauvagement réprimées, avec à la clé, une dizaine de morts. Les alliés de Wade, soucieux avant tout de conserver les privilèges indus, qu’ils avaient acquis à l’ombre tutélaire de leur mentor peu scrupuleux, n’osaient lui dire la vérité et se faisaient ainsi complices d’une dictature rampante. Certaines forces maraboutiques connues pour leur amour immodéré pour les voitures 4 X 4, les passeports diplomatiques et les mallettes d’argent se réfugieaient derrière la célébration de fêtes religieuses pour prêcher le fatalisme et la soumission au décret – non pas divin -, mais wadien, par l’acceptation du verdict illégal d’un Conseil Constitutionnel accusé d’être corrompu.
La mort glorieuse, dans des circonstances tragiques et hautement symboliques de Mamadou Diop, citoyen modèle devenu martyr sacré de la cause du M23, symbolise au mieux cette phase historique dans la lutte du peuple sénégalais vers la restauration des valeurs républicaines, dans le droit fil des conclusions des Assises Nationales visant la refondation institutionnelle.  
 Et les patriotes de s’écrier en chœur : ″Tolérance zéro pour les dérives fascistes″,  lançant ainsi un appel à toutes les forces démocratiques de bouter dehors le Monstre et sa clique, pour empêcher, coûte que coûte un troisième mandat du Président WADE.
A trois jours du scrutin présidentiel, l’Opposition dans toute sa diversité, n’arrivait toujours pas à accepter le diktat du président Wade, appuyé par un Conseil Constitutionnel et des forces de répression aux ordres. Non content d’imposer sa candidature illégale, il empêchait aux candidats des partis d’opposition de battre campagne dans certaines parties du département de Dakar (notamment, la mythique Place de l’Indépendance).
Reconnaissons humblement que le leadership des différentes Coalitions de l’Opposition aura été déficient, que la riposte à l’arbitraire du régime libéral n’aura été ni coordonnée ni harmonisée et que notre pays semblait s’acheminer vers l’ingouvernabilité. Pendant que certains tenaient coûte que coûte à braver l’interdit qui pesait sur les manifestations à la Place de l’Indépendance, d’autres, dont l’actuel locataire du palais présidentiel, que certains qualifiaient de ″déserteurs″, déroulaient tranquillement leur campagne électorale, en se disant que la meilleure façon de neutraliser la candidature de Wade était de le battre électoralement. Entre ces deux positions extrêmes, il y a eu toutes les variantes intermédiaires possibles, certaines coalitions procédant même à une division du travail au sein de leur équipe, entre la campagne électorale classique et les manifestations de rue.  
Enfin, les Etats-Unis et l’Union Européenne, qui semblaient avoir déjà misé sur certains candidats réformistes avaient des positions ambiguës, que ne pouvait justifier la seule inquiétude à propos de la sécurité de leurs ressortissants. C’est ainsi que, malgré toutes ces menaces qui pesaient sur le scrutin, les acteurs politiques, rejetant la médiation d’Obansanjo, engageront la bataille finale.
 Une fois encore, le peuple sénégalais déjoua tous les pronostics annonçant une situation post-électorale apocalyptique. L’autocrate autiste, qui pendant des mois avait tenu en haleine son peuple et l’opinion internationale est défait, sans coup férir. Personne ne parierait plus un sou troué sur sa victoire au deuxième tour. Certains rugissaient : ″Chassez l’intrus
La classe politique, trop occupée dans ses repositionnements autour du nouvel homme fort, ne se rendait pas compte, qu’en avalisant le résultat du scrutin, elle réduisait la portée de toute la dynamique citoyenne, qui a accompagné la lutte contre le troisième mandat de Wade.
De fait, la Coalition Bennoo Bokk Yakaar, allait se constituer sans aucune garantie programmatique. Quelques voix, vite étouffées, tentent d’alerter les forces de gauche, qui déjà en 2000, avaient été abusées par le président WADE, afin qu’ils puissent avoir leur propre agenda politique et cessent de privilégier l’alliance à tout prix  avec des partis de la mouvance socio-démocrate ou d’obédience libérale sur l’élaboration d’une véritable plateforme de gauche.
            Face à la quasi-certitude de la victoire de Macky SALL, on pouvait se permettre de spéculer sur les perspectives après la défaite du camp libéral. La plupart des leaders de la nouvelle Coalition présidentielle Bennoo Bokk Yakaar, étaient devenus beaucoup moins critiques par rapport aux méfaits du présidentialisme obsolète, d’autant qu’ils s’entendaient bien – du moins, à ce moment là - avec le nouveau locataire du palais de l’avenue Léopold S. Senghor. Ils vont donc s’inscrire résolument dans la perspective de gestion concertée du pouvoir avec un président de la République, qui ne semblait pas faire de la refondation institutionnelle, une de ses principales préoccupations. Pourtant, ces hommes politiques avaient passé près d’une année, lors des Assises Nationales à théoriser une nouvelle gouvernance et s’étaient ensuite engagés, aux côtés du mouvement citoyen et des organisations de la société civile dans la révolution citoyenne, qui avait finalement eu raison de la folie destructrice de l’ancien homme fort du régime libéral, laquelle révolution était loin d’être terminée, car n’ayant même pas encore commencé.
 
 QUATRIEME PERIODE : A PARTIR DU 25 MARS 2012, LE TEMPS DES RUPTURES ATTENDUES

          Les craintes déjà perceptibles et exprimées dans l’entre-deux tours, se traduisant par la mise en place d’une large ″Coalition de la Victoire″, sans véritable programme commun alternatif vont se confirmer, dès les premières mesures du nouveau pouvoir.
C’est ainsi que le président Macky SALL va opter pour le maintien du Sénat, désigner une personnalité éminente de son parti comme ministre de l’Intérieur et continuer, comme son ex-mentor, à cumuler sa fonction présidentielle avec celle de secrétaire général de l’APR. Autant dire que, du point de vue des Assises Nationales, la transition semble mal engagée. Seule la jeunesse fougueuse et dynamique du M23 ainsi que quelques chroniqueurs d’un certain âge, mais toujours vigilants et infatigables, trouvent encore la force de relever les dérives du nouveau pouvoir baignant dans un unanimisme béat. C’est dire que le processus de matérialisation des conclusions des Assises nationales, auxquelles, le nouveau président – pour des raisons tactiques – n’a toujours pas renoncé, semble hypothéqué.
Les législatives de juillet 2012 pointent à l’horizon. Non seulement, elles n’ont pas été différées, comme le préconisait le programme de transition de Bennoo Siggil Senegaal, ne serait-ce que pour revoir un mode de scrutin obsolète et injuste, mais encore elles vont se tenir sur la base de ce dernier , en maintenant la parité populiste et démagogique initiée par la précédente majorité libérale, pour séduire l’électorat féminin et mettre les Coalitions concurrentes dans l’embarras. Par ailleurs, au moment où le règlement des urgences sociales et la refondation institutionnelle s’imposent comme plateforme incontournable à toutes les forces politiques désireuses d’œuvrer pour le bien-être des Sénégalais, les observateurs impartiaux et désintéressés se demandent ″Quel programme pour Bennoo Bokk Yakaar ?″
C’est la désillusion pour tous ceux qui, à travers l’organisation des Assises nationales, l’historique journée du 23 juin 2011 et les manifestations épiques du M23, avec sa cohorte de morts et de blessés avaient cru à l’émergence d’un nouveau Sénégal. Ils espéraient, au-delà de la défaite du régime libéral, l’instauration d’une nouvelle République plus soucieuse des valeurs républicaines. Or, tous les gestes posés par le nouveau pouvoir néolibéral, spécialement en direction des élections législatives traduisaient une fébrilité et un pragmatisme, qui ne pouvaient objectivement pas s’embarrasser d’accords programmatiques pour aller résolument vers les ruptures tant attendues par le peuple sénégalais. Assurément, Bennoo Bokk Yakaar semblait privilégier l’approche pragmatique sur l’approche programmatique.
Les observateurs notent une forte abstention lors des premières élections législatives de l’ère Macky SALL, traduisant le manque d’enthousiasme populaire suscité par le nouveau pouvoir. Y ont contribué l’absence de lisibilité de la démarche politique de la Coalition Bennoo Bokk Yakaar, les frustrations occasionnées au sein des partis alliés par le mode de désignation des candidats, (très souvent laissé à l’appréciation discrétionnaire des principaux dirigeants) et surtout l’absence de progrès ou tout au moins de signaux forts sur les questions liées à la demande sociale et à la bonne gouvernance.
Décidément, le mois d’Août est celui, au cours duquel, le peuple sénégalais vit toujours les plus grandes souffrances ! C’est le mois des inondations, de la chaleur torride, des délestages, de la soudure. Et il se trouve, très souvent, que c’est la période où nos gouvernants sont en vacances, loin de notre « enfer tropical ». Il en a toujours été ainsi depuis Senghor et cela a été le cas, cette année, malgré l’inextinguible soif de rupture des sénégalais.
Il est vrai, qu’au cours de l’hivernage 2005, année du fameux plan Jaxaay, le président WADE avait essayé d’interdire à ses ministres de prendre leurs congés, durant le mois d’Août.
Devant l’exacerbation de la crise sociale avec la multiplication des crimes gratuits et de terribles accidents de la circulation, le désespoir gagne de plus en plus les masses populaires qui se demandent, avec une profonde anxiété, s’il était possible  de conjurer l’apocalypse imminente.
Le président Macky Sall et sa grande coalition, qui compte de remarquables hommes politiques, commencent à perdre leur désinvolture passagère, certainement liée à l’euphorie de la victoire de mars 2012. Les choses commencent enfin à bouger ! Le 29 août 2012, interrompant un séjour privé en Afrique du Sud, le président Macky Sall, devant l’ampleur des inondations, déclare vouloir proposer aux députés de sa majorité, la suppression du Sénat, ramant à contre-courant des positions de ses propres camarades de parti. Deux mois après, c’est au tour du gouvernement de subir une mue, avec un remaniement ministériel, qui consacre le limogeage du Ministre de l’Intérieur, membre éminent du parti présidentiel et l’éviction de quelques autres cadres émérites de l’APR de leurs responsabilités gouvernementales. Selon le premier ministre Abdoul Mbaye  ″Il nous faut renforcer l’efficacité des actions du gouvernement en privilégiant la compétence″. Autant de signaux certes positifs mais insuffisants, qui, ont pu démontrer aux Sénégalais, qu’il restait encore assez de marge de manœuvre au Président pour conduire les ruptures tant attendues, si tant est qu’il en ait encore la volonté politique.
Il ne fait aucun doute, qu’après le remaniement, il s’agit d’aller résolument vers la rupture véritable, pour le plus grand bonheur du peuple sénégalais.
 

               CONCLUSIONS 

Il s’est agi, aussi bien en 2000 qu’en 2012, lors des alternances démocratiques au sommet de l’Etat, d’initier des politiques de rupture concernant non seulement les enjeux démocratiques et institutionnels mais également  les questions ayant trait à la demande sociale.
C’est pour cela, que le PIT-Sénégal, lors de son cinquième congrès tenu à Thiès, a adopté une résolution, en date du 23 Mai 2010, dans laquelle un appel solennel a été lancé à tous les Partis, Mouvements de la Société Civile, et Personnalités qui se réclament de la  gauche marxiste et nationaliste panafricaine, à se retrouver dans une Grande Confédération des Forces  de Gauche. La nécessité de l’unité de la Gauche sénégalaise sera réaffirmée lors du premier congrès du Rassemblement des travailleurs africains/Sénégal (Rta/S) qui s’est tenu du 9 au 10 avril 2011, à Dakar. Yoonu Askanwi pense que l’unité de la gauche est un impératif politique  pendant que pour Alla Kane de l’ORDC,  la Gauche sénégalaise souffre d’au moins deux maladies à savoir la division et le manque de liaison avec le peuple. Est-ce cela, qui explique qu’elle n’ait pas réussi à « peser de tout son poids pour obtenir, avant le deuxième tour de l’élection présidentielle de 2012, un accord politique clair et précis avec le candidat Macky Sall, pour répondre aux revendications fortes de la nouvelle citoyenneté par le référendum sur la nouvelle constitution et par l’institutionnalisation de la Charte de gouvernance démocratique ». Nul ne peut contester le rôle central joué par la gauche sénégalaise dans les deux alternances démocratiques de 2000 et 2012, en termes de réflexion et de luttes, aussi bien pour le programme de la CA 2000, puis du Front pour l’Alternance que pour la mise en œuvre des Assises nationales suivie de la mise en place du M23, même si les bénéfices politiques ont toujours profité à d’autres forces politiques.
Il est donc plus que temps, pour les forces de gauche, d’œuvrer pour l’extension des principes et normes de bonne gouvernance au sein des partis de gauche eux-mêmes et des organisations de masse, de se battre pour un Code électoral plus juste et de travailler pour une alternative véritable, au profit des couches populaires, en alliance avec les forces citoyennes émergentes. Cela permettra à ces partis de gauche, à défaut d’accéder eux-mêmes aux  responsabilités, de peser de manière plus significative sur les politiques mises en œuvre par les gouvernements de la République.
 

 
 
 
 
SOMMAIRE
DÉDICACES

SOMMAIRE

A) EN GUISE DE PRÉFACE

B) AVERTISSEMENT DE L’AUTEUR

C) PREMIÈRE PÉRIODE DE MARS 2000 A FÉVRIER 2007: DU PARTI-ÉTAT SOCIALISTE AU PARTI-ÉTAT LIBÉRAL, LE TEMPS DES RENIEMENTS

1. RISQUES DE ″HOLD-UP″ SUR L'ALTERNANCE!
2. ALLIANCE STRATÉGIQUE DU FAL: SUR QUELLE BASE?
3. ENTRE LE MARTEAU LIBÉRAL ET L'ENCLUME SOCIALISTE
4. UNE MAJORITÉ ÉCRASANTE MAIS PRÉCAIRE!
5. TRANSITION VERS LA “POST-ALTERNANCE” OU LE DÉPASSEMENT DE L’ALTERNANCE
6. MÉTÉOROLOGIE POLITIQUE (CONSENSUS FÉTIDES)

D) DEUXIÈME PÉRIODE: DE LA ″VICTOIRE ÉLECTORALE″ DES LIBÉRAUX EN MARS 2007 A LEUR DÉFAITE POLITIQUE EN MARS 2009, LE TEMPS DES ASSISES

1. ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES DE 2007 : VOLS DE NUIT
2. SÉNÉGAL: UN SOMMET ISLAMIQUE ET UN ABIME SOCIAL SANS FIN
3. ASSISES NATIONALES : CHANTS DE LIBERTÉ
4. LOCALES 2009: VERS LA DÉFAITE POLITIQUE DE LA « DYNASTIE » DES WADE
5. LOCALES 2009 : SE METTRE A LA HAUTEUR DES EXIGENCES POPULAIRES !
6. GÉNOCIDE MORAL
7. ASSISES NATIONALES ET DIALOGUE (DE SOURDS) POLITIQUE

E) TROISIÈME PÉRIODE DU 19 MARS 2011 AU 25 MARS 2012 : LE TEMPS DES RÉVOLTES CITOYENNES

1. IL FLOTTE COMME UN PARFUM DE JASMIN SUR GALSEN !
2. DÉCLARATION NOCTURNE DU MINISTRE DE LA JUSTICE: MENACES SUR LA PAIX CIVILE AU SÉNÉGAL
3. ÉLECTIONS OU EXPLOSION SOCIALE?
4. UN ENTÊTEMENT SUICIDAIRE!
5. DISCOURS DU 14 JUILLET : ÉLECTIONS ANTICIPÉES OU RETRAITE ANTICIPÉE?
6. GOODBYE, ABLAYE !
7. 1, 2, 3 BENNOO: POUR QUI SONNE LE GLAS?
8. ELECTIONS DE 2012: BENNOO NE SAURAIT ÊTRE UN TREMPLIN POUR DES POLITICIENS RÉFORMISTES !
9. INVESTITURE DE WADE: APRÈS BEN ALI, MOUBARACK ET KADHAFI, A QUI LE TOUR?
10. VERS…LE « TROISIÈME REICH » SÉNÉGALAIS ?
11. TREIZE CANDIDATS ET UN FANTÔME !
12. SÉNÉGAL: TOLÉRANCE ZÉRO POUR LES DÉRIVES FASCISTES!
13. SÉNÉGAL: VERS L’INGOUVERNABILITE?
14. DEUXIÈME TOUR DE ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE: CHASSEZ L’INTRUS!
15. QUELLES PERSPECTIVES APRÈS LA DÉFAITE DU CAMP LIBÉRAL?

F) QUATRIÈME PÉRIODE : A PARTIR DU 25 MARS 2012, LE TEMPS DES RUPTURES ATTENDUES

1. ASSISES NATIONALES: UNE TRANSITION MAL ENGAGÉE?
2. QUEL PROGRAMME POUR LA LISTE BENNOO BOKK YAKAAR?
3. BENNOO BOKK YAKAAR ET LES LÉGISLATIVES: UNE SIMPLE QUESTION D’APPROCHE
4. QUELLES RAISONS POUR L’ABSTENTION MASSIVE LORS DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES DU 1er JUILLET 2012?
5. SÉNÉGAL: PEUT-ON CONJURER L’APOCALYPSE?
6. APRÈS LE REMANIEMENT, ALLER RÉSOLUMENT VERS LA RUPTURE VÉRITABLE!

G) CONCLUSIONS

H) ANNEXES

1. ANNEXE 1: LE BLOG DE NIOXOR TINE
2. ANNEXE 2: AUX TOUS DÉBUTS, EN 2000…
3. ANNEXE 3 : DE NIOXOR LY A NIOXOR TINE
4 ANNEXE 4: QUELQUES PHOTOS