Alternance du 25 Mars 2012 : Quelle évaluation, un an après ?
L’évaluation de l’Alternance du 25 Mars, pour être exhaustive, devrait se faire de plusieurs points de vue.
Mais dans cet article, l’on se contentera du point de vue économique et social,
et du point de vue politique, pour
tenter de déceler les tendances lourdes en œuvre.
I) L’évaluation du point de vue économique.
Cette évaluation porte, d’une part, sur les résultats macroéconomiques et
sociaux de l’année 2012 et des deux premiers mois de 2013, et, d’autre part,
sur les mesures de politiqsue économique et sociale prises durant la période.
a) Les résultats macroéconomiques et sociaux
Le taux de croissance du PIB est de
1,7% en termes réels, base 100 de 1999,
contre un taux de croissance démographique de 2,5% !
Le déficit budgétaire, dons compris, est de 5,9% du PIB comme prévu dans
l’engagement du Gouvernement dans le cadre de l’accord ISPE avec le FMI, mais,
sans les dons, il atteint réellement
8,7% du PIB, en passant de 605 Milliards
en 2011 à 629,9 milliards en 2012.
La « prime » à notre démocratie a
porté les dons de 150 milliard en 2011 à 205,9 milliards en 2012, avec des dons
budgétaires qui passent de 30 milliards à 51,8milliards !
Les dons masquent ainsi la réalité de la gravité de notre crise budgétaire,
que l’UEMOA vient de sanctionner en demandant au Gouvernement de revoir son
cadrage macroéconomique.
Quant aux échanges extérieurs, le déficit du Compte courant est passé 7,9%
en 2011 à 10,5% en 2012, contre un plafond UEMOA de 6% !
Cependant, L’Indice Harmonisé des
Prix à la Consommation (IHPC) est passé de 3,6% en 2011, à 1,4% en 2012, mais avec un renchérissement des
prix des céréales non transformées, dont l’indice est passé de 3,8% en 2011 à
6,9% en 2012 ; ce qui justifie les incriminations
des ménages en la matière.
En Janvier et en Février 2013, l’IHPC est respectivement de moins 1%,
traduisant une tendance inquiétante à la déflation.
Le taux de la masse salariale sur les recettes fiscales, qui est un autre
critère de mesure des performances macroéconomiques, est de 34,7% contre 33,25%
en 2011, et un objectif 32,6% retenu avec le FMI dans le cadre de l’ISPE. De
sorte que, par rapport au plafond de 35% fixé par l’UEMOA, les marges
budgétaires sont étroites pour pouvoir
contribuer à réduire significativement
le chômage.
Dans le secteur privé moderne, au quatrième trimestre de 2012, l’emploi
salarié a augmenté de 3,7%, dont +0,3% dans le secteur secondaire, et +6,5%
dans le secteur tertiaire qui est composé
des Services et du Commerce.
Donc, c’est le secteur secondaire qui est en panne en matière de création
d’emploi, notamment les BTP qui ont enregistré – 5,7% d’emploi, là où
l’Industrie est à + 2,1%.
Ainsi, le tendon d’Achille de l’emploi dans le secteur moderne est bel
et bien les BTP, du fait de l’ostracisme, hérité de Wade, dont les entrepreneurs nationaux font encore
l’objet dans l’accès aux marchés publics.
Le secteur secondaire est donc une véritable niche d’emploi à sortir de sa
crise, dont les contraintes ont été identifiées dans l’enquête d’opinion des entrepreneurs, publiée en Décembre 2012
par la Direction de la Planification et des Etudes Economiques (DPEE) du
Ministère de l’Economie et des Finances. Ces contraintes sont d’une part, la fraude et la concurrence déloyale, donc
des crimes économiques, et d’autre part, le non recouvrement des créances dues
par l’Etat, donc délinquance d’Etat, qui s’explique par ses problèmes
budgétaires réels, que l’on aurait tord d’occulter.
Même le secteur tertiaire gorge encore de potentialités d’emploi, s’il ne subissait pas, en plus de ces deux
contraintes du secteur secondaire, le poids de la fiscalité et de
l’insuffisance de la Demande.
Ce qui est remarquable dans cette enquête, c’est que nulle part les
entrepreneurs n’ont incriminé la législation du travail parmi les contraintes à
leur activité, alors que la Banque mondiale s’échine à le faire croire à
l’Etat.
Il ne faudrait donc pas croire, que seul le secteur primaire recèle des
niches d’emploi. Et ce serait une erreur de penser pouvoir exploiter de manière
significative ces niches, avec des emplois stables, durables, et une
rémunération décente, sans accompagner le redressement du secteur primaire par
celui du secteur secondaire.
Le secteur secondaire devrait être le véhicule de la modernisation du
secteur primaire, pour son équipement pour la production, pour la
transformation industrielle des produits agricoles en produits finis, et sans
résoudre l’enclavement des zones à haute potentialité de production par la
levée des contraintes qui maintiennent les BTP dans une crise profonde.
Au plan du financement de l’Economie, la
politique du taux d’intérêt de la
BCEAO en vigueur ne favorise pas le financement bancaire de la petite et
moyenne entreprise, et des exploitations agricoles familiales. Elle a permis
plutôt de financer les emprunts budgétaires de l’Etat qui émet des Bons de
Trésor et des Obligations pour résoudre ses problèmes de trésorerie, et aux
Banques de la place, qui accumulent d’énormes réserves leur servant à spéculer
sur le marché financier.
La création de la Banque Nationale de Développement (BND) par la
transformation du « Fonds de Promotion Economique » (FPE) avait suscité un
espoir de sortir de ce détournement de l’épargne des Sénégalais par les Banques
de la place, dont elle constitue plus de 75% des avoirs sur lesquels elles
travaillent.
Mais malheureusement, la Loi qui a institué cette Banque Nationale de
Développement, a réduit la participation
de l’Etat à 25% de son Capital, pour respecter les engagements de Wade auprès
des Institutions de Breton Woods, la transformant ainsi en une vulgaire Banque
privée, à côté de celles déjà en place, et
en la détournant son objet.
La création du « Fonds National de Garantie de l’Investissement Prioritaire
» (FONSGIP) destiné aux petites et moyennes entreprises, et aux exploitations agricoles familiales, ne fera pas mieux, en la matière, que le
FPE que l’on vient de transformer en
BND.
En effet, il serait illusoire de croire que le privé, majoritaire dans cette
Banque, aura un comportement différent de ceux qu’il a trouvé en place.
Au total, l’Alternance a hérité de Wade une situation macroéconomique et
sociale catastrophique. Mais la première année de l’Alternance n’a pas mis en
évidence des tendances lourdes pour s’en sortir. Au contraire, les craintes
d’une crise économique et sociale aggravée
semblent se dessiner comme une tendance lourde.
L’on a donc assisté, dans ce domaine macroéconomique et social, à une
continuité, et non à la rupture attendue.
b)
Les mesures de politique économique et sociale
Les mesures de politique économique et sociale d’un Gouvernement sont
étroitement liées à la nature sociale des forces au pouvoir, et aux marges de
manœuvre que leur offre la conjoncture.
C’est pour cette raison, que les mesures
de politique économique et sociale sont le plus souvent ambivalentes,
voire contradictoires, et c’est pour cela, qu’il est nécessaire de les analyser
à travers les intérêts des diverses forces qui contrôlent le pouvoir.
Ainsi, dans les mesures de politique économique et sociale prises par le
pouvoir durant cette première année de l’Alternance, il y en a que l’on pourrait qualifier de « Gauche »,
et d’autres, de « Droite ».
Une telle situation résulte objectivement de la nature sociale de l’ère
ouverte par le 25 mars, qui est une période de Transition entre l’ « ancien
régime», hérité de Wade et des Socialistes, et le « nouveau régime», porté par les Conclusions des Assises
nationales, auxquelles toutes les forces, qui ont réalisé l’Alternance du 25
mars, ont adhéré ou déclaré
solennellement s’en référer.
Ces forces sont constituées de
couches sociales qui se réclament de « Gauche », de « Droite », ou du « Nationalisme
économique », mais qui se sont
regroupées sous la bannière de la Défense de la République Démocratique et
Citoyenne, portée par les Conclusions des Assises nationales.
C’est cette situation objective, non suffisamment assimilée, qui a amené la
plus part du temps, à évaluer cette
première année du point de vue des forces économiques et sociales dont ces
couches sociales portent les intérêts,
et non pas du point de vue des exigences de cette Transition et de ses contraintes.
1)
Les mesures de type de «Gauche »
Au plan économique, la baisse de l’Impôt sur le Revenu, et la hausse de l’Impôt sur les
Sociétés, la révision encours du Code minier pour en tirer un meilleur profit
pour les populations des sites concernés et pour l’Etat, la remise en cause des
situations de rente et de monopôle par la levée des protections indues sur le
sucre, le blé et la tomate industrielle, sont incontestablement des mesures de
« Gauche » que l’on ne trouve ni en Afrique, ni en Europe, encore moins dans
les conditionnalités des Institutions de Bretton Woods.
De même, les mesures prises en faveur du monde rural ont contribué, avec un
bon hivernage, à augmenter considérablement les revenus des producteurs, et
leur degré d’autosuffisance alimentaire.
Au plan institutionnel, l’activation de la CREI pour traquer les « biens mal
acquis », la création de l’OFNAC pour traquer ceux qui abusent des biens
sociaux, et le renforcement des
compétences de la Commission de lutte contre la corruption et la concussion,
avec un « Droit d’auto saisine », et le renforcement de celles de la Cours des
Comptes, sont autant de leviers pour atteindre le premier objectif politique de
la Transition, qui est celui de mettre
un terme au « régime despotique, patrimoniale et néolibéral » de
Wade, qui privilégie les intérêts économiques et stratégiques des grandes
puissances et de leurs entreprises transnationales, en s’appuyant sur une «
nouvelle classe d’entrepreneurs » artificiellement créée à partir des « marchés
publics », et de la spéculation foncière
et immobilière.
Au plan de la politique extérieure, l’on a assisté à l’émergence d’une tendance lourde d’une volonté plus
nette d’affirmation de l’indépendance de notre pays en matière de géostratégie,
et de politique d’intégration sous régionale, qui transcende les barrières de coopération
de l’UEMOA.
Cela est illustré par la position dégagée par le Président de la République sur la crise malienne, qui vaut à notre pays une plus grande
considération du peuple malien par rapport aux pays membres de l’UEMOA et de la
CEDEAO. Il s’est, dès le départ, démarqué des positions de la France et des
USA, que prenaient en charge ces deux organisations sous régionales, et il a
recentré courageusement nos relations
diplomatiques vers nos voisins immédiats, avec un encrage plus marqué dans les
objectifs intégrateurs de l’Union Africaine, portés par le NEPAD, qui a mis
l’accent sur l’intégration par les « programmes », à la place de l’intégration
par les « marchés » en vigueur à l’UEMOA
et à la CEDEAO, et que Wade avait cherchée, en vain, à imprimer au NEPAD.
Cette inflexion de la politique extérieure du Sénégal, dans le contexte de
l’affirmation d’une alternative aux politiques des Institutions de Breton Woods
incarnée de plus en plus par le BRICS, ouvre de larges perspectives à
l’aspiration des peuples d’Afrique à une plus grande Indépendance vis-à-vis des
grandes puissances occidentales, pour une plus grande intégration de nos Etats
menant vers l’Unité des peuples du continent.
L’on a donc assisté, avec ces mesures, à une véritable politique de rupture.
Cependant, à côté de ces mesures de rupture hautement saluées, subsistent
encore d’autres, qui sont héritées du
régime de Wade, et qui donnent un caractère de « Droite » à l’action du Gouvernement dans la
période, laissant apparaître un
sentiment de continuité.
2)
Les mesures de « Droite », ou de continuité
Ces mesures découlent du retard pris dans la réforme des Institutions comme
prévue dans les Conclusions des Assises nationales, et dans la reconduction des
programmes économiques que les Institutions de Breton Woods avaient ficelé sous
le régime de Wade.
En effet, le maintien des pouvoirs exorbitants hérités de Wade est à la base
des dérives dénoncées de plus en plus dans la nomination aux emplois civils et
militaires, et dans les relations avec les collectivités locales.
Cette réforme des Institutions qui devrait
approfondir la Révolution Républicaine et Démocratique de Février –Mars
2012, en jetant les bases de la
Révolution citoyenne en gestation dans la Transition encours, risque
d’être portée aux calendes grecques, si elle n’intervient pas avant les
élections locales de Mars 2014.
En effet, le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, et le pouvoir local,
les relations entre eux et avec les citoyens, risquent d’être reconduits tels
qu’ils sont hérités de Wade, durant tout ce qui reste du mandat du
Président Macky Sall.
Ce risque est d’autant plus à prendre au sérieux, que des velléités de
reproduction du Parti Etat se font déjà jour au sein du parti du Président de
la République et au sein de la coalition qui a porté sa candidature au premier
tour de l’élection présidentielle le 26 Février. Ces velléités sont aussi confortées par la tentation du recours
à la « transhumance » pour « massifier
le parti » du Président de la République, en vue de la conquête de la majorité des collectivités
locales en 2014, dans la perspective des élections présidentielles de 2017.
En outre, les accords avec les Institutions de Breton Woods, sous Wade,
concernant la privatisation de la terre, empêchent, jusqu’ici, la mise en œuvre des engagements pris pour
restituer, aux collectivités locales, les terres indument accaparées par les
tenants de son régime, et celles bradées aux investisseurs
étrangers. A cet égard, l’audit encours
du foncier et le gèle des constructions
sur le site de l’aéroport, devraient être
étendus dans toutes les collectivités locales pour prépare cette restitution.
De même, la gestion de la crise dans l’Education se heurte aux engagements
pris en matière de « précarisation » de la fonction enseignante, et de la
privatisation de l’Enseignement Supérieur, que va renforcer l’orientation, par
l’Etat, de bacheliers vers ce secteur, à la place de renforcer le secteur
public de l’Enseignement Supérieur en infrastructures et en ressources
humaines.
II) L’Evaluation
du point de vue politique
L’Alternance du 25 mars 2012 a porté
au pouvoir une large coalition de forces politiques et de la société civile,
autour du Candidat Machy Sall, pour répondre aux attentes des Sénégalais.
Celles-ci, au plan politique, se résument en la consolidation de la
République Démocratique, la promotion de la Démocratie citoyenne par la « participation et le contrôle citoyen », la
fin de l’impunité et plus de justice sociale, pour éradiquer les bases sociales
du Parti - Etat.
Cette forte demande politique a été portée du 23 Juin 2011
jusqu’au premier tour de l’élection présidentielle, le 26 Février 2012,
par le M23, et à partir de cette date,
par la coalition Benno Book Yakaar (BBY) qui a amené, le 25 mars, le
Candidat Macky Sall, à la Présidence de la République.
C’est cette coalition qui a composé le Gouvernement de l’Alternance, et qui constitue la majorité à l’Assemblée nationale.
Cependant, la majorité présidentielle ne se résume pas à BBY, mais elle compte aussi les autres composantes du M23
qui l’ont accompagné à la conquête du pouvoir exécutif et du pouvoir
législatif.
Donc, il s’est posé la nécessité
d’une double concertation au sein de la majorité présidentielle : une
concertation au sein de BBY, et une concertation au sein du M23, dont BBY est
partie intégrante.
La cohésion de la majorité présidentielle est donc une nécessité pour
préserver la stabilité du pays, afin de créer les conditions les meilleures,
pour répondre aux attentes des populations.
Mais, à l’évaluation de cette
première année, les reflexes partisans, et les prétentions personnelles de
carrière dans l’appareil d’Etat, ont pollué l’atmosphère au sein de cette
majorité présidentielle, et porte,
aujourd’hui, les germes de son éclatement probable.
Cette situation est le reflet de la cohabitation, dans cette majorité, entre les partisans de la reproduction des
fondements institutionnels du Parti-Etat, et les partisans de sa refondation
sur des bases républicaines, démocratiques et citoyennes, telles que prévues
par le large consensus autour des Conclusions des Assises nationales.
Cette cohabitation est antérieure à l’avènement du M23 et de BBY ; elle
remonte à la création de « Benno Siggil Senegaal » (BBS), à l’issu des Assises nationales, en
perspective des élections locales de Mars 2009.
L’exercice du pouvoir a accentué ce clivage, au point de porter un très
grave préjudice à la visibilité de l’action gouvernementale, et de favoriser la
prise de mesures économiques aux antipodes des aspirations du peuple.
C’est ainsi que les entrepreneurs nationaux, qui se sont mobilisés dans la
tenue des Assises nationales, et qui se sont engagés physiquement dans la lutte
pour le triomphe de cette Alternance, commencent à s’opposer à la reconduction
de certaines pratiques de Wade dans la gestion des marchés publics, qui continuent à les marginaliser.
De même, l’organisation du monde rural la plus représentative et la plus
impliquée dans cette lutte, continue de
se voir marginalisée dans la définition et la mise en œuvre des politiques et
programmes destinés à ce secteur. C’est ce
qui a permis de reconduire la politique
de campagne agricole de Wade, qui
a consisté à fournir des intrants et des semences subventionnés, à maintenir le
système du «carreau usine » pour la commercialisation des arachides, et la
libéralisation de leur exportation.
Mais, contrairement à ce qui s’était passé sous Wade, cette politique de
campagne agricole a connu un succès franc, grâce à la combinaison d’une bonne
pluviométrie et de très hauts cours mondiaux des huiles alimentaires.
Cependant, cette politique est ruineuse pour le monde rural, dès que les
prix mondiaux chutent. Et cela risque
d’être le cas en 2013, où le prix mondial du Soja, qui sert de référence aux
cours mondiaux des huiles alimentaires,
a amorcé une tendance à la chute, avec une « baisse de 4,6% en Février
par rapport à Février 2012 ».
De sorte que, ces deux catégories de
membres de la majorité présidentielle,
qui se sont confrontées sans merci avec
le régime de Wade, continuent encore à
exiger le « patriotisme économique » et
la « concertation », au nom desquelles
elles se sont alliées avec les
autres forces vives de la Nation, pour
contribuer au changement démocratique dans notre pays.
De même, de larges franges de la
petite bourgeoisie intellectuelle, qui ont combattu le népotisme de Wade et son
clientélisme viscéral érigés en mode de gestion des ressources humaines,
continuent encore de les dénoncer dans les pratiques du Gouvernement de BBY, au
point de jeter carrément une frange de celle-ci, dans une opposition ouverte à la majorité
présidentielle.
Cette grave évolution dans les composantes de la majorité présidentielle,
risque de s’accentuer, si l’on
n’instaure pas au plus vite, des
mécanismes de concertation en son sein.
C’est dans cette perspective que la «
formalisation » du M23, qui va devenir une « organisation d’utilité
publique », devrait être le creuset d’un dialogue fécond au sein de la majorité
présidentielle, et un espace
d’interpellation des Gouvernants, des Elus, et de l’Administration, dans le
processus de mise en œuvre de la Démocratie citoyenne.
De même, le Groupe parlementaire de
BBY devrait jouer la même fonction, en organisant des espaces de concertation
et d’interpellation au sein de cette coalition,
entre les Gouvernants et les Cadres des organisations membres.
Le M23 et le Groupe parlementaire de BBY devraient prendre rapidement
conscience de leur responsabilité historique dans la réalisation des
changements auxquels aspire le peuple sénégalais, et qui ne peuvent se faire
que dans une plus forte cohésion des rangs de la majorité présidentielle.
Ils sont en effet le seul recours
face aux tendances lourdes de dislocation de la majorité présidentielle,
puisqu’ils sont les porteurs de la «
Démocratie consensuelle », dont la base
est l’ « expression libre et sans entrave des opinions de ses membres », en vue
de dégager des « consensus autour des politiques et programmes » portés par le
Gouvernement.
Les Sénégalais ne sont pas encore familiers à cette forme de Démocratie, car
ils sont habitués à « l’alignement », ou
au combat entre « pouvoir et opposition ».
Le Sénégal a donc, avec le M23 et le Groupe BBY, l’opportunité historique d’ancrer la «
Démocratie consensuelle » dans nos mœurs politiques, afin de réduire les risques
de déstabilisation du pays, et de
dévoiement des aspirations du peuple, que va entraîner l’éclatement de
la majorité présidentielle.
III) ConclusionS
La première année de l’Alternance du 25 mars a été incontestablement l’année
des urgences et de prise en main de l’Etat. C’est cette circonstance qui a créé
le retard dans la prise de conscience des Gouvernants, que nous étions entrés
au début d’une une période de Transition, dont les tenants et aboutissants
restaient encore à définir.
Le fait d’avoir étouffé le débat sur la Transition au sein de BSS, dès après
les élections locales de mars 2009, nous a rattrapé dès notre accès au pouvoir.
L’on découvrait petit à petit, avec étonnement, une coexistence entre des «
éléments de rupture » et des « éléments de continuité » que l’on avait du mal à
accepter.
Cela a créé, petit à petit, des frustrations, puis des récriminations qui se
sont amplifiées en direction des Législatives, pour devenir des invectives au
sein des composantes de BBY.
Cependant, cette première année a accouché de réels motifs de satisfaction
et d’espoir de changement pour lequel le peuple nous a fait confiance, mais
aussi, de réels motifs de crainte d’un retour en arrière, avec des défis
énormes en matière économique et sociale, en souveraineté nationale et en stabilité.
C’est pour cette raison, que l’année
2013 devrait être l’année d’une plus grande cohésion au sein de la majorité
présidentielle, et celle des réformes venues en maturité, notamment au plan
institutionnel, au plan économique et financier, dans le secteur primaire, et à
l’Education nationale.
Déjà une Commission de réforme des Institutions a été créée depuis plus de
six mois, de même qu’une Commission de réforme foncière, un Comité de pilotage
des concertations sur l’Enseignement Supérieur, une réforme projetée du système
de rémunération des agents de l’Etat après l’audit du fichier de la Fonction
publique.
Toutes ces réformes devraient aboutir en 2013, pour que 2014 soit l’année du début de la
mise en œuvre de leurs Conclusions qui devraient marquer, dans ces domaines,
les ruptures attendues par le peuple.
Mais, ces Réformes, pour qu’elles aboutissent à ces objectifs, ne devraient
pas être exclusivement l’ « affaire » de technocrates, mais aussi, l’ « affaire
» du M23 et de BBY, qui devraient y apporter la dimension politique et sociale,
sans lesquelles les Réformes n’ont jamais obtenu l’adhésion des populations
pour qui elles sont censées se faire.
Le M23 et BBY devraient, sans délai, prendre l’attache de ceux qui dirigent
ces différentes Commissions, pour organiser des séances de concertation dans
les domaines qui leur a été confié par le Chef de l’Etat.
La Bureaucratie d’Etat, à travers les
encouragements des Partenaires techniques et financiers, a toujours contourné
la volonté des peuples en ayant recours exclusif et systématique aux «
technocrates », pour définir des politiques et programmes qui, en
définitive, s’avèrent être aux antipodes
de leurs aspirations, mais qui sont toujours
en cohérence avec les objectifs des Institutions de Breton Woods.
Notre Révolution Républicaine Démocratique et Citoyenne, dont le moteur est
le M23 et BBY, devrait rompre avec cette
pratique, qui fait le lit des pouvoirs despotiques, présentés à tort comme des « pouvoirs forts », sous prétexte le Chef
de l’Etat est élu par le suffrage universel direct du peuple.
En outre, l’année 2013 est aussi l’année de la question des subventions de
l’énergie.
En effet, Le FMI n’a eu de cesse de pointer le doigt sur les conséquences budgétaires de cette
subvention, et sur leur nature qui serait inéquitable, puisqu’elles seraient
plutôt bénéfiques aux riches.
Cette rengaine du FMI a amené le Gouvernement à opter pour une suppression
de cette subvention en 2014, tout en rehaussant
les tarifs de l’électricité pour les « nantis ».
Quel homme de « Gauche » n’aurait-il pas applaudi à cette politique de «
faire payer les plus riches en épargnant les plus pauvres ».
Mais cette rhétorique du FMI vient d’être démentie par une Etude réalisée en
Janvier 2013 par la Direction de la Planification et des Etudes
Economiques(DPEE) de notre Ministère de l’Economie et des Finances, qui vient
d’être publiée en Mars 2013.
En effet, cette Etude a conclu, qu’au plan macroéconomique « le retrait des subventions améliore le
solde budgétaire, mais alimente l’inflation sans stimuler la croissance, et
entraîne une perte de compétitivité » de notre Economie.
Au niveau des ménages, « le retrait
de la subvention a des effets globalement négatifs, surtout à Dakar et en
milieu rural », et « détruit l’emploi, notamment dans le secteur de
l’électricité, de l’eau et du gaz, avec des pertes de 3,73% en première année,
de 2,63% en deuxième année, de 6,7% en troisième année, et de 1,23% en
quatrième année ».
Ainsi, une question se pose : au nom du redressement du solde budgétaire,
faudrait-il sacrifier la croissance, l’emploi, la compétitivité et le pouvoir
d’achat ?
Il n’y a que des technocrates apatrides, qui rêvent d’une carrière au sein
des Institutions de Breton Woods, qui pourraient répondre affirmativement à
cette inquiétante question.
Cependant, la problématique du solde budgétaire et de l’inflation devraient aussi
être considérée parmi les défis à
relever en 2013.
Dans cette perspective, la réduction du déficit budgétaire devrait être
recherchée dans la réduction des
Dépenses fiscales de l’Etat et des Dépenses de train de vie, dans la lutte
systématique contre les surfacturations
des marchés publics, et dans l’élimination des investissements de
prestiges.
La lutte pour la maîtrise de l’inflation devrait passer
par celle des produits locaux qui constituent pour 70,6% le « panier de la ménagère ».
Cependant, les publications de l’Agence Nationale de la Statistique et de la
Démographie «(ANSD) du Ministère de l’Economie et des Finances, ont montré, que
l’Indice Harmonisé des Prix à la Consommation (IHPC) est déconnecté de l’Indice des prix des
céréales non transformées qui dépendent du cours mondial du riz. Par conséquent, le pouvoir d’achat des
salariés devrait être indexé sur celui du prix
du riz pour le préserver, plutôt
que de prendre comme repaire, l’IHPC qui est toujours en dessous de
l’Indice du prix du riz.
L’année 2013 est donc un tournant
décisif de l’Alternance du 25 mars 2012, dont dépend ce qui adviendra à notre
peuple dans ce qui reste du mandat du Président Macky Sall. Il ne faudrait donc pas que les perspectives des élections locales
de 2014 nous fassent rater ce tournant historique.
Dakar le 2
Avril 2013
Ibrahima Sène
PIT /SENEGAL
XXXXXXXXXXXXX
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