CRIMES COLLECTIFS ET CHÂTIMENTS SPÉCIAUX: NE
PAS FAIRE DES TRAVAILLEURS LES BOUCS ÉMISSAIRES DES FLOTTEMENTS DES NOUVELLES AUTORITÉS !
Recevant le monde de la
Presse lors d’un ndogou présidentiel plantureux, consécutif à une amnistie
fiscale des plus controversées en faveur de la presse, le Président de la
république a cru bon de dénoncer le "crime collectif" commis sur
les malades au Sénégal."[i]
Il s’est également offusqué du fait que l’argent affecté aux hôpitaux servirait
plus à payer des salaires et des gratifications qu’à équiper des laboratoires
ou à payer des réactifs ? Déjà, en juin dernier, alors en visite officielle au
Gabon, le président Macky Sall s’était élevé contre les débrayages récurrents
dans le Secteur de l’Education, arguant qu’il était ″impossible de développer
un pays avec des grèves″. Quelques jours plus tard, Mme le Ministre de la
Justice engageait un bras de fer épique contre le SYTJUST sur le retrait du
décret portant réduction du taux de nantissement. En déclarant que le Sénégal était un pays
pauvre où chacun voulait une augmentation de salaire, les nouvelles autorités
semblent vouloir jeter le discrédit sur des revendications syndicales en
initiant cette croisade aux relents moraux contre des fonctionnaires tirant le
diable par la queue.
Il faut, certes, saluer la
louable entreprise de moralisation de la vie publique telle que symbolisée par
la traque des biens mal acquis ainsi que le désir autoproclamé de faire face
aux groupes de pression, qui veulent s’opposer aux réformes présidentielles
visant une gouvernance sobre et vertueuse. Et de fait, l’opinion publique est
dans sa grande majorité convaincue de la pertinence de l’assainissement des
mœurs publiques, même si elle doute de plus en plus de la cohérence de la
démarche du nouveau pouvoir « yakaariste ». N’est-il pas paradoxal d’accorder une
amnistie fiscale de plusieurs milliards aux magnats de la presse – lobby parmi
les plus redoutables - que les spécialistes de la question qualifient de prime
à la fraude et à l’évasion fiscale[ii], au moment où on pense croiser le fer avec les
groupes de pression dans les secteurs de l’Education, de la Santé et de la
Justice ? Qu’est ce qui explique la nomination comme ministres conseillers
de représentants de groupes industriels connus bénéficiant de situations de
rente monopolistique ? Ne cherche-t-on pas, au moment où une recrudescence
des marchés de gré à gré est signalée, à remettre en cause le Code des marchés
publics sous prétexte d’une plus grande diligence dans l’exécution des grands
chantiers de l’Etat ?
En réalité, l’impression qui
se dégage après bientôt 18 mois de Yoonu Yokkuté, c’est qu’il y a beaucoup de
paroles et de leçons de morale de la part de politiciens, qui pour la plupart,
portent leur part de responsabilité dans la situation actuelle du pays, que ce
soit durant le long et pénible règne socialiste que pendant l’exécrable
intermède sopiste. Le scandale de la drogue au sein de la Police, qui fait
encore l’objet d’investigations, est là pour attester de la profondeur de la
crise morale qui sévit dans notre pays et que la chute du régime libéral n’a pu
faire disparaître en un clin d’œil !
Pour en revenir à la crise
du système hospitalier, elle est loin d’être une nouveauté pour le Président de
la république, qui déjà en 2006, avait présidé la Concertation Nationale sur le
système hospitalier, en tant que premier ministre du régime de Wade. Qu’est ce
qui a changé depuis lors ? Qu’est ce qui a été fait en termes de
renforcement des personnels, des équipements, des infrastructures ? Pas
grand-chose ! On pourrait même ajouter que la nouvelle équipe
ministérielle, gênée aux entournures par de puissants lobbies occultes, observe
une situation de statu quo ante avec les mêmes recettes, procédures et
ressources humaines héritées de ses prédécesseurs et peine à affirmer son
leadership face aux intrusions d’un secteur privé tout puissant dans le système
public de santé. A titre d’exemple, il est évident que la politique
hospitalière de notre pays est obsolète et que tous les acteurs du Secteur de
la Santé sont unanimes sur la nécessité de ″réformer la Réforme Hospitalière″. Même
la Banque Mondiale, officine emblématique du système financier international
dominé par les forces du Capital parle, à propos de la Réforme Hospitalière au
Sénégal « d’autonomie hospitalière excessive [iii]» !
N’est-ce pas cela qui explique la lourdeur de la masse salariale et
l’importance des primes et gratifications que le président donne l’impression
de découvrir seulement maintenant !
S’il est vrai que le régime
libéral était passé maître dans l’art de signer des accords syndicaux
alambiqués et irréalistes, la faute n’en incombe pas au premier chef aux
leaders syndicaux, même s’ils ne sont pas tous exempts de tout reproche. Il
appartient donc au nouveau pouvoir yakaariste de remettre les choses à
l’endroit ! Non pas en complotant,
pour imposer une paix syndicale sur le dos des usagers des structures
sanitaires ! Non pas en serinant l’opinion de discours moralisateurs, qui
ont peu de chances d’être écoutés, encore moins entendus, mais en adoptant une
feuille de route claire, lisible et compréhensible par tous.
La Coalition Bennoo Bokk
Yakaar doit œuvrer pour restaurer la crédibilité de l’Etat mise à mal par douze
années de manœuvres et de reniements. A cet égard, les nouvelles autorités
gagneraient à se réapproprier la problématique de la refondation
institutionnelle et du renouveau éthique telle que recommandée par les Assises
Nationales. Il faudra également laisser jouer les mécanismes institutionnels
dans toute leur plénitude. Cela suppose que le pouvoir législatif puisse avoir
l’initiative des lois et jouer véritablement le rôle de contrôle qu’on attend
de lui. De même, le pouvoir judiciaire
devra s’affranchir de la tutelle qu’on continue à lui imposer à travers le
Ministère de la Justice et un Conseil Supérieur de la Magistrature présidé par
le Chef de l’Etat.
Les hommes politiques de toutes obédiences doivent faire des efforts pour
éviter d’être perçus comme des politiciens préoccupés par la prochaine
consultation électorale et le renforcement de leurs organisations politiques
mais plutôt pour être considérés comme des dirigeants soucieux du devenir des
prochaines générations.
Dr Mohamed Lamine LY
Médina – Rassmission
http://www.nioxor.com/
[i] Dépêche APS
du 04 août 2013
[ii] Amnistie
fiscale en faveur de la presse Un autre jalon vers l’effondrement du système
fiscal sénégalais (Par Elimane POUYE) paru dans Rewmi du 20 juillet 2013.
[iii] A Tale of Excessive Hospital Autonomy? An
Evaluation of the Hospital Reform in Senegal (Lemière Christophe; Turbat
Vincent; Puret Juliette)
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