dimanche 11 août 2013

CRIMES COLLECTIFS ET CHÂTIMENTS SPÉCIAUX




CRIMES COLLECTIFS ET CHÂTIMENTS SPÉCIAUX: NE PAS FAIRE DES TRAVAILLEURS LES BOUCS ÉMISSAIRES DES FLOTTEMENTS DES NOUVELLES AUTORITÉS !
          Recevant le monde de la Presse lors d’un ndogou présidentiel plantureux, consécutif à une amnistie fiscale des plus controversées en faveur de la presse, le Président de la république a cru bon de dénoncer le "crime collectif" commis sur les malades au Sénégal."[i] Il s’est également offusqué du fait que l’argent affecté aux hôpitaux servirait plus à payer des salaires et des gratifications qu’à équiper des laboratoires ou à payer des réactifs ? Déjà, en juin dernier, alors en visite officielle au Gabon, le président Macky Sall s’était élevé contre les débrayages récurrents dans le Secteur de l’Education, arguant qu’il était ″impossible de développer un pays avec des grèves″. Quelques jours plus tard, Mme le Ministre de la Justice engageait un bras de fer épique contre le SYTJUST sur le retrait du décret portant réduction du taux de nantissement.  En déclarant que le Sénégal était un pays pauvre où chacun voulait une augmentation de salaire, les nouvelles autorités semblent vouloir jeter le discrédit sur des revendications syndicales en initiant cette croisade aux relents moraux contre des fonctionnaires tirant le diable par la queue.
          Il faut, certes, saluer la louable entreprise de moralisation de la vie publique telle que symbolisée par la traque des biens mal acquis ainsi que le désir autoproclamé de faire face aux groupes de pression, qui veulent s’opposer aux réformes présidentielles visant une gouvernance sobre et vertueuse. Et de fait, l’opinion publique est dans sa grande majorité convaincue de la pertinence de l’assainissement des mœurs publiques, même si elle doute de plus en plus de la cohérence de la démarche du nouveau pouvoir « yakaariste ».  N’est-il pas paradoxal d’accorder une amnistie fiscale de plusieurs milliards aux magnats de la presse – lobby parmi les plus redoutables - que les spécialistes de la question qualifient de prime à la fraude et à l’évasion fiscale[ii],  au moment où on pense croiser le fer avec les groupes de pression dans les secteurs de l’Education, de la Santé et de la Justice ? Qu’est ce qui explique la nomination comme ministres conseillers de représentants de groupes industriels connus bénéficiant de situations de rente monopolistique ? Ne cherche-t-on pas, au moment où une recrudescence des marchés de gré à gré est signalée, à remettre en cause le Code des marchés publics sous prétexte d’une plus grande diligence dans l’exécution des grands chantiers de l’Etat ?
          En réalité, l’impression qui se dégage après bientôt 18 mois de Yoonu Yokkuté, c’est qu’il y a beaucoup de paroles et de leçons de morale de la part de politiciens, qui pour la plupart, portent leur part de responsabilité dans la situation actuelle du pays, que ce soit durant le long et pénible règne socialiste que pendant l’exécrable intermède sopiste. Le scandale de la drogue au sein de la Police, qui fait encore l’objet d’investigations, est là pour attester de la profondeur de la crise morale qui sévit dans notre pays et que la chute du régime libéral n’a pu faire disparaître en un clin d’œil !
          Pour en revenir à la crise du système hospitalier, elle est loin d’être une nouveauté pour le Président de la république, qui déjà en 2006, avait présidé la Concertation Nationale sur le système hospitalier, en tant que premier ministre du régime de Wade. Qu’est ce qui a changé depuis lors ? Qu’est ce qui a été fait en termes de renforcement des personnels, des équipements, des infrastructures ? Pas grand-chose ! On pourrait même ajouter que la nouvelle équipe ministérielle, gênée aux entournures par de puissants lobbies occultes, observe une situation de statu quo ante avec les mêmes recettes, procédures et ressources humaines héritées de ses prédécesseurs et peine à affirmer son leadership face aux intrusions d’un secteur privé tout puissant dans le système public de santé. A titre d’exemple, il est évident que la politique hospitalière de notre pays est obsolète et que tous les acteurs du Secteur de la Santé sont unanimes sur la nécessité de ″réformer la Réforme Hospitalière″. Même la Banque Mondiale, officine emblématique du système financier international dominé par les forces du Capital parle, à propos de la Réforme Hospitalière au Sénégal « d’autonomie hospitalière excessive [iii]» ! N’est-ce pas cela qui explique la lourdeur de la masse salariale et l’importance des primes et gratifications que le président donne l’impression de découvrir seulement maintenant !
          S’il est vrai que le régime libéral était passé maître dans l’art de signer des accords syndicaux alambiqués et irréalistes, la faute n’en incombe pas au premier chef aux leaders syndicaux, même s’ils ne sont pas tous exempts de tout reproche. Il appartient donc au nouveau pouvoir yakaariste de remettre les choses à l’endroit ! Non pas en complotant,  pour imposer une paix syndicale sur le dos des usagers des structures sanitaires ! Non pas en serinant l’opinion de discours moralisateurs, qui ont peu de chances d’être écoutés, encore moins entendus, mais en adoptant une feuille de route claire, lisible et compréhensible par tous.
          La Coalition Bennoo Bokk Yakaar doit œuvrer pour restaurer la crédibilité de l’Etat mise à mal par douze années de manœuvres et de reniements. A cet égard, les nouvelles autorités gagneraient à se réapproprier la problématique de la refondation institutionnelle et du renouveau éthique telle que recommandée par les Assises Nationales. Il faudra également laisser jouer les mécanismes institutionnels dans toute leur plénitude. Cela suppose que le pouvoir législatif puisse avoir l’initiative des lois et jouer véritablement le rôle de contrôle qu’on attend de lui. De même, le pouvoir  judiciaire devra s’affranchir de la tutelle qu’on continue à lui imposer à travers le Ministère de la Justice et un Conseil Supérieur de la Magistrature présidé par le Chef de l’Etat.
Les hommes politiques de toutes obédiences doivent faire des efforts pour éviter d’être perçus comme des politiciens préoccupés par la prochaine consultation électorale et le renforcement de leurs organisations politiques mais plutôt pour être considérés comme des dirigeants soucieux du devenir des prochaines générations.
Dr Mohamed Lamine LY
Médina – Rassmission
http://www.nioxor.com/


[i] Dépêche APS du 04 août 2013
[ii] Amnistie fiscale en faveur de la presse Un autre jalon vers l’effondrement du système fiscal sénégalais (Par Elimane POUYE) paru dans Rewmi du 20 juillet 2013.
[iii] A Tale of Excessive Hospital Autonomy? An Evaluation of the Hospital Reform in Senegal (Lemière Christophe; Turbat Vincent; Puret Juliette)

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